Acte 1 : avant le 1er avril


A l'occasion du prochain Marché des Peintres et des Sculpteurs,
le 01/04/2012 de 10h à 19h, Bd Foch 92500 Rueil-Malmaison,

adoptez un poisson d'avril !

Une sculpture contemporaine à 10 €,
prix de la vie ou poisson d'avril ?


Dans un cadre artistique, à combien évaluez-vous la vie d'un poisson rouge, sachant qu'une animalerie le commercialise pour environ 2 à 4 € ?

Exprimez-vous par Internet, contribuez à fixer la valeur d'une vie, agissez directement sur l'œuvre elle même et intervenez sur sa destinée en réservant votre sculpture dès maintenant depuis Internet (attention, le nombre de pièces est limité à six exemplaires seulement) : art@g-bayon.fr

1) Le descriptif

Titre : " Adoptez un poisson d'avril pour seulement 10 € "

Genre : sculpture contemporaine éphémère à suspendre, réalisée par l'artiste indépendant Geoffroy Bayon, N° d'ordre B252200.

Dimensions : environ 15 x 15 x 20 cm. Les dimensions sont susceptibles de varier d'une pièce à l'autre.

Aspect : en référence au semi ready made, initié par Marcel Duchamp, l'œuvre prend la forme d'un sac plastique translucide contenant de l'eau et un poisson rouge, tel qu'il est possible de l'acheter dans une animalerie. Elle est munie d'un crochet métallique permettant de la suspendre.

Interactivité de l'œuvre : le prix de la sculpture, et par conséquent son titre, sont susceptibles d'évoluer en fonction des avis et réactions recueillis sur internet. Que vous soyez acquéreur potentiel ou simple spectateur, contribuez à fixer un prix pour cette œuvre, exprimez-vous sur le prix de l'art et sur la valeur de la vie : art@g-bayon.fr
Pourquoi votre avis est-il important ? Parce que les choix, s'ils sont jugés significatifs, seront pris en compte pour fixer le prix définitif de la sculpture, et ainsi définir le seuil permettant aux éventuels acquéreurs d'agir sur la destinée du poisson qu'elle renferme.
Une synthèse sera mise en ligne et/ou envoyée par mail après le 1er avril avec une note complémentaire de l'artiste.

Contexte : la sculpture s'inscrit dans une série limitée à 6 pièces numérotées, réalisées spécifiquement pour le Marché des Peintres et des Sculpteurs du 01/04/2012. Elle est accompagnée d'une facture et d'un certificat d'authenticité signé par l'artiste. Elle peut être réservée à l'avance, dans la limite des 6 pièces disponibles, par Internet : art@g-bayon.fr
La sculpture sera remise à l'acquéreur lors de sa visite sur le stand du Marché des Peintres et des Sculpteurs, le 01/04/2012 entre 10h et 19h.


2) Le concept

L'objectif : la présente sculpture a pour vocation d'inciter le spectateur, éventuel acquéreur ou simple curieux, à s'interroger sur le prix de la vie et sur les limites de l'acceptable dans le domaine de l'art contemporain. L'œuvre d'art tente ici de privilégier le sens plutôt que l'esthétique et cherche à provoquer une réaction de la part du public. Au-delà d'un simple effet visuel, elle cherche à initier une réflexion et à s'inscrire dans une démarche de communication.

La vraie question : l'œuvre que je vous propose tente de faire écho à des travaux artistiques contemporains très controversés qui cherchent à mettre ostensiblement la mort en scène. A titre d'exemple, on pourra citer les sculptures de Damien Hirst (Mother and Child Divided 1993, In the Name of Father 2005, Exquisite Pain 2007...) qui visent à projeter le spectateur au cœur même de la mort en créant un profond sentiment de malaise. En totale opposition avec ce concept de présentation inerte des individus biologiques, je vous invite, bien au contraire, à une immersion dans le monde de la vie. Pour ce faire, la sculpture que je vous propose se fonde sur les limites de votre empathie : combien de temps laisserez-vous vivre ce poisson dans un univers hostile et pauvre en oxygène, alors que vous disposez du pouvoir financier de préserver sa vie ? Serez-vous prêts à débourser la somme de 10 € pour abréger ses souffrances ? Cette somme (qui est à la fois le prix donné arbitrairement à l'œuvre par l'artiste et la valeur symbolique qu'il attribue à la vie même du poisson) vous paraît-elle excessive, raisonnable ou dérisoire ?



Pourquoi proposer l'œuvre à 10 € ? Pour rendre parallèlement l'achat d'une œuvre contemporaine et celui d'une vie accessible à tous. La modestie de ce prix a pour but de susciter une vive réaction de la part du public qui jugera, peut-être, que ce prix est trop bas pour une vie, trop élevé pour la valeur des "matériaux" mis en œuvre, ou bien que la vie n'a pas de prix… C'est, en quelque sorte, le prix à payer pour susciter un questionnement et peut-être une prise de conscience…

 

Acte 2 : le 1er avril


Exposés sur un stand du Marché des Peintres et des Sculpteurs à Rueil-Malmaison, en ce jour particulier du 1er avril, les sculptures éphémères ont suscité de nombreuses réactions. Pensant que les poissons étaient vivants, certains ont trouvé l'idée audacieuse et originale, tandis que d'autres se sont indignés. Quelques uns ont tout de suite compris l'astuce et ont immédiatement relié l'objet à la farce du 1er avril. Une fois l'astuce révélée, avec un sourire, tout le monde s'accorde sur le fait que l'idée est amusante. Et l'opération de communication s'avère fructueuse.


Le petit poisson, plus vrai que nature, exposé sur le stand du Marché aux Peintres.

 

Acte 3 : après le 1er avril

3) La réponse à toutes les questions


S'agissait-il bien d'un poisson d'avril ?

Si les poissons sont factices, l'œuvre, proposée à la vente avec son certificat d'authenticité, est bien réelle. Vu de loin, l'effet est réaliste et l'objet suspendu, qui évoque la vie menacée, peut susciter légitimement la compassion. Vu de près, on prend conscience du subterfuge et les esprits sont rassurés. Mais le principal objectif est atteint, sous le prétexte de la création artistique, le dialogue s'établit et de plus, il débute par un sourire.

La réponse : à la fois oui et non.

Oui, car le petit poisson pris en otage et dont la vie était suspendue à la réaction affective du public (ou bien à la motivation financière de l'investisseur intéressé par l'art contemporain) n'était en réalité qu'un modeste morceau de carotte sculpté. En ce sens, le descriptif mis en ligne avant le 1er avril se devait d'être ambigu, voire trompeur, afin de laisser l'imaginaire et l'affectif du spectateur insuffler la vie à ce substitut végétal inerte, dont les mouvements (obtenus par un simple réchauffement calorique de l'eau au contact de l'air et des rayons du soleil) auraient étés bien plus réalistes encore si l'ensoleillement avait été plus intense.

La photo complète, levant l'ambiguïté sur la nature du poisson constitué d'un simple morceau de carotte sculpté. On notera l'importance du cadrage, qui peut totalement modifier le sens d'une image diffusée, par exemple, sur Internet.

Non, car les sculptures, comme l'évoquait l'annonce, ont réellement été commercialisées avec leur certificat d'authenticité et la délivrance d'une facture. Elles ont ainsi constitué une réelle opportunité d'acquérir une œuvre originale, bien qu'éphémère, pour budget relativement modeste. Merci à ceux qui ont fait l'acquisition d'une de ces petites sculptures, ainsi qu'à ceux qui se sont exprimés à son propos.

Non encore une fois, car l'objectif de communication est atteint : mon intention initiale fût de chercher à mettre en œuvre, de façon très simple, une création plastique originale, apte à se distinguer et surprendre en offrant deux niveaux de lecture (l'œuvre conceptuelle choquante, puis le canular rassurant) afin de rendre conscientes les limites de l'expression artistique et d'éprouver les sentiments du spectateur face à l'attribution d'une valeur chiffrée au vivant.
Au-delà du beau, l'objectif de l'art est de communiquer et d'attirer l'attention sur les sujets fondamentaux. Grâce à la mise en œuvre d'un minimum de matériel (sac plastique, eau, morceaux de carotte) il a été possible d'éprouver les limites de l'intolérable dans l'expression artistique. Vos réactions ont été nombreuses, riches et très contrastées, démontrant ainsi que le seuil de tolérance varie en fonction de chacun (on pourra se référer à l'expérience du psychologue américain Stanley Milgram, réalisée entre 1960 et 1963.) De la confrontation de vos opinions émerge de nouveaux questionnements, de nouvelles idées.


C'est du food art : comble de l'horreur, les invendus ont été ébouillantés puis mangés !
Only the strog survive…

4) Les nouveaux questionnements soulevés par cette petite expérience artistique

Au-delà du beau, l'objectif de l'artiste est de définir des limites, d'établir la communication avec le public et d'attirer (si possible dans la bonne humeur) l'attention sur les sujets fondamentaux. Ainsi, avec un minimum de matériel mis en œuvre (sac plastique, eau, morceaux de carotte) l'artiste tente d'interpeller le spectateur en lui suggérant quelques questions qui lui semblent importantes.
Parmi celles-ci, voici quelques interrogations et remarques évoquées sur le stand par les visiteurs, lors de l'exposition du 1er avril :

En admettant, comme l'a exprimé Marcel Duchamps pour la première fois dans l'histoire de l'art, que l'art c'est la vie et la vie c'est l'art et par conséquent que tout objet devient art uniquement parce que l'artiste en a décidé ainsi (fondement du ready made) ce principe peut-il s'appliquer aux individus vivants ?
Quelles limites se fixer dans l'emploi de la vraie vie et de la vraie mort (animale ou humaine) dans l'art, alors que nous savons modéliser les grands processus de la vie et de la mort de façon artificielle ? Pour faire passer une idée, une simple simulation n'est-elle pas suffisante ? Peut-on, sous un prétexte artistique, s'approprier la vie ?
L'œuvre spécifiquement créée ici pour éprouver les limites de l'intolérable dans l'expression artistique (elle cherche à tester les limites du spectateur : combien est il prêt à débourser pour préserver la vie et éviter les souffrances) met en évidence une différence de seuil selon les individus. Ce seuil peut varier depuis la plus grande indifférence jusqu'à la plus profonde empathie, évoquant la célèbre expérience de Stanley Milgram.
Où se situe la frontière entre le tolérable et l'intolérable, et jusqu'où est-il possible d'aller au nom de l'art ? Est il possible et raisonnable de fixer un prix à la vie, à la mort ou à la souffrance, comment le définir, pourquoi est il si différent d'un individu à l'autre ? Cette valeur peut-elle différer selon qu'il s'agisse de sa propre vie (exemple du body art) ou de celle des autres (exemple des travaux de Damien Hirst) ?

Comment fixer le prix d'une œuvre (ou pricing ) ? Une peinture de Vincent van Gogh, dénuée de toute valeur de son vivant, vaut-elle aujourd'hui plus que le prix d'un simple bout de toile et de quelques pigments ? Pourquoi ? Quels sont les mécanismes et comment fixer des seuils de façon cohérente ?
Quelle est l'influence du caractère éphémère d'une œuvre d'art sur son prix, sachant que toute œuvre d'art s'avère inéluctablement périssable ?

Comment définir et aborder la communication dans le domaine de la création artistique en général et d'Internet en particulier ?
La perception des textes et des images mis en ligne s'avère totalement subjective. Un simple effet de cadrage de l'image et un texte un peu ambigu sont suffisants pour mener à une confusion entre information fausse et vérité allant de soi. En dehors de tout effet médiatique, la mise en scène réalisée sur le stand a fait preuve d'une très grande efficacité dans la transmission d'un message volontairement trompeur… pour, je l'espère, servir la bonne cause.
Alors, poisson d'avril ?